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Ou sont passés les visionnaires ? Devenons-le tous !

Une réflexion que je souhaitais partager avec vous…Brossée dans un tableau rapide.

Notre société actuelle est pilotée par des spécialistes et « experts » et nous perdons la vision d’ensemble, alors même que nous vivons à une époque ou plusieurs crises se conjuguent par l’entremise d’effets globaux et planétaires, qu’ils soient écologiques, démographiques, financiers ou encore de climat. Nous avons, l’Humanité a désespérément besoin d’une vision d’ensemble, et donc de visionnaires. Ce n’est pas cette idée que je vais développer, aussi je vous renvoie ici ou ici ou si vous voulez en savoir plus et vous en convaincre. Ce que je vais développer maintenant, ce sont les raisons qui font que, au moment précis où l’on en a le plus besoin, ces fameux visionnaires manquent cruellement à l’appel !

Je vais prendre deux domaines pour illustrer ce constat.

Dans les grandes entreprises, le travail a été fortement taylorisé – voir ici pour une définition – c’est à dire qu’on a découpé le travail total en petits morceaux, les activités et « processus » en petites tâches plus simples et répétitives, pour ensuite dédier des personnes à la réalisation de certaines de ces tâches répétitives, et donc avec un meilleur « rendement » unitaire. Seul Charlie Chaplin parvient à rendre amusant ce type de travail.

Les temps modernes

Si effectivement, chaque service de l’entreprise est – pris isolément – plus efficace, cela a plusieurs revers :

  • Chaque service ou département invente son propre langage de spécialiste, qu’il soit financier, comptable, informatique, de communication, etc.. Et ce pour parler du petit bout d’activité qu’il doit réaliser de manière précise et pour lequel on le paye. Dès lors, à l’intérieur même de l’entreprise, les gens ont du mal à se comprendre car il n’ont plus l’impression de partager la même modélisation de la réalité. Qui reste capable de traduire « cash-flow négatif » en « Il faut mieux former le service communication  » ?
  • Par conséquent, pour avoir une vision d’ensemble de l’activité d’une entreprise et de son actualité, il faut avoir des notions et le vocabulaire de chaque spécialité, faute de quoi il est très difficile voire impossible de reconstruire le puzzle global avec des pièces incompatibles…
  • Par ailleurs, du fait de la recherche du profit qui prime parfois sur toute autre considération, les facteurs financiers prennent une importance critique. Les personnes qui ont cette compétence, les métiers de la finance, sont donc tout naturellement mis de plus en plus en situation de décisionnaire, puisque que leur compétence est considérée peu ou prou comme « au dessus » des autres ! Mais comme chaque métier est cloisonné, ils ont une vision au mieux incohérente et au pire fausse des enjeux de l’organisation pour laquelle ils travaillent, enjeux qui dépassent largement les simples chiffres et le « cash-flow ». Nous semblons oublier notre bon sens et les mains exemples qu’une personne en situation décisionnaire, donc en haut de la pyramide, est plus pertinente si elle a bénéficié d’une culture et d’une formation pluri-disciplinaire plutôt que d’une « monoculture ».
  • Les personnes valorisées – en dehors des personnes en haut de la pyramide qui est un motif de valorisation sociale en soi – sont donc souvent celles qui : (1) respectent bien les procédures dictées par la hiérarchie, en application directe du Taylorisme, (2) des personnes qui sont spécialistes dans leur domaine, incollables dans leur discipline, mais qui perdent parfois leur bon sens dans l’analyse partielle d’un problème plus global, (3) ceux parlent le langage le plus valorisé : celui de la finance et du compte de résultat, (4) Ceux qui soignent leur image et leur carrière, mais ce dernier item ne relève pas de cette discussion.
  • La responsabilité est diffuse : comment en effet se sentir totalement acteur et coresponsable lorsque l’on participe à 0,001% du résultat final (et il est parfois difficile d’imaginer plus avec des produits comme les automobiles, d’une complexité folle), et lorsque prendre du temps pour comprendre la chaîne de bout en bout ne fait pas partie de son travail et donc prélève du temps sur la production proprement dite, et peut dès lors nous être reproché ?

Complexité

Un deuxième exemple dans un autre domaine : prenons la médecine. Elle s’est énormément transformée dans l’Histoire récente :

  • Une spécialisation des pratiques qui accompagne dans l’Histoire celle des sciences, avec trois accélérations notables : au Moyen-Age, à la Renaissance, et enfin au XXè siècle
  • Une centralisation, et un pouvoir aujourd’hui important accordé aux personnes titulaires d’un « titre de médecin », notamment en occident, avec une chaîne contrôlée pour obtenir le fameux diplôme, « Sésame » toujours recherché.
  • Une mécanisation depuis la deuxième moitié du XXè siècle, via le recours croissant à des machines : radiographes, micro-caméras, scanners et autres fauteuils de dentiste…

Fauteuil de dentiste

Ces tendances ont également des effets plus ou moins heureux :

  • La spécialisation est une forme de taylorisation, elle implique la perte de la vision globale : qui n’a jamais vécu les multiples ordonnances, courriers et allers-retour entre son médecin généraliste « traitant » et les spécialistes nécessaires pour confirmer un diagnostic, invalider celui d’une spécialité voisine ? Plus aucun médecin de famille n’est en mesure aujourd’hui de faire un suivi précis de ses patients tout au long du parcours. Votre médecin traitant est-il capable de produire votre radio du pied qu’il vous a lui même prescrite il y a 1 an quand vous arrivez avec une tendinite du même pied ?
  • La mécanisation entraîne souvent un meilleure diagnostic (parfois des causes profondes, mais souvent des seuls symptômes superficiels d’une pathologie…) mais également une augmentation de la complexité et des coûts de la prise en charge. In fine seul le patient garantit le respect de cette chaîne, et la cohérence des prescriptions, diagnostic et traitement issus de différents spécialistes qui ne se parlent jamais de vive voix du patient ou du problème rencontré. Par construction physiologique et sociale, les pathologies qui ont des symptômes non localisés sur un organe précis, sont donc parmi les plus dures à diagnostiquer. Qui aurait pu faire le lien a priori entre une carie et une tendinite ? Heureusement internet participe actuellement de la diffusion de ce type de relations. Comment via des praticiens étrangers aux pratiques de leur collègues auraient pu identifier la relation profonde en cours de caractérisation entre la flore intestinale et certaines formes d’autisme ? L’ostéopathie en est la preuve, elle permet de résoudre un problème au genou en corrigeant une asymétrie dorsale.
  • La centralisation ralentit la montée, pourtant inexorable, des médecines alternatives, fondées sur notre lien au vivant. L’ostéopathie, nous venons d’en parler, fait par exemple son lent chemin occidental vers la reconnaissance. Autre exemple sidérant, celui de l’utilisation des plantes médicinales. L’ordre des médécins, sous couvert de vouloir protéger le peuple du charlatanisme – fonction par ailleurs utile, mais ne vaudrait il pas mieux apprendre aux gens à détecter l’incompétence ? -  voit par exemple d’un très mauvais oeil le métier d’herboriste. Je vous renvoie à cet excellent article du monde qui fait froid dans le dos sur ce qui ressemble plus une stratégie de contrôle et de pouvoir qu’à de la bienveillance…Comment ne pas entrevoir le dogmatisme à la porte de cette institution/système ?

Et notre généraliste ? Il se trouve que c’est celui qui tente dans ce système qui le positionne comme en bas de la pyramide, qui tente de faire du lien, d’avoir un suivi global. C’est également celui qui est le moins valorisé, à la fois financièrement et socialement. Alors qu’il sait faire un diagnostic certes parfois trop peu précis, mais souvent plein de bon sens et extrêmement économe et sobre en moyens physiques. Alors  qu’il sait déduire, sans recourir systématiquement à la coûteuse radiographie pour « voir » et « prouver ». Ce n’est pas Christian Clavier, médécin généraliste dans les Bronzés font du Ski qui va me contredire. A comparer les 23€ d’honoraires d’un médecin généraliste et la bonne centaine de tout « spécialiste », hors dépassement d’honoraires bien sûr.

Dans la complexité du monde d’aujourd’hui et les enjeux liant santé, environnement, industrie, politique, nous avons désespérément besoin de « généralistes », visionnaires, valorisés sinon adoubées pour cette raison précise, dotés d’une formation pluridisciplinaire et qui sont capables de faire des liens entres les différentes dimensions de l’homme et de la nature. L’ère n’est plus aux spécialistes !

Les héros de demain sont les médecins généralistes ouverts aux alternatives, aux approches globales, dont l’écoute permet de faire encore plus de liens entre des fonctions et organes a priori indépendants. Les grands patrons de demain pilotent des social business, et allient une vision mercantile avec une dimension humaine et sociale, souvent dans l’innovation. L’homme politique de demain s’entoure de collaborateurs qui ont cette vision d’ensemble pour prendre des décisions à l’échelle d’un pays, et non en réaction à des Lobbys spécialisés. L’homme éclairé de demain est curieux. Il s’exprime en langage courant et non en jargon d’expert. Il est capable de comprendre les forces telluriques qui agissent à grande échelle. Il met en place des dispositifs pour les infléchir, vers un monde plus respectueux de l’environnement, de l’Homme, et de ses valeurs profondes de partage sociale et de respect de la Nature.

Peut-être avez-vous d’autres exemples à proposer ? Des remarques ? N’hésitez pas à commenter, je serais ravi d’enrichir !

Pour aller plus loin

  • A LIRE Edgar Morin, pour une conscience planétaire et une vision pluridisciplinaire : « La Voie : Pour l’avenir de l’humanité »
  • A LIRE Muhammad Yunnus :  « Vers un nouveau capitalisme « , 2008. htttp://fr.wikipedia.org/wiki/Muhammad_Yunus
  • En médecine, des liens cachés entre des organes et fonctions a priori totalement indépendants : http://www.lemonde.fr/sciences/article/2012/03/23/flore-intestinale-le-cerveau-sous-influence_1674270_1650684.html
  • Quand un médecin généraliste est pris pour un vétérinaire… http://youtu.be/hzlXUQP2K1s?t=53s

http://youtu.be/hzlXUQP2K1s?t=53s
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